4 avr. 2016

Monsieur D.

9 :30

Je lui ai écrit. Parce que j’ai rêvé de lui cette nuit mais que je me suis réveillée avant de le revoir. Frustrée de ces non retrouvailles, encore endormie et perturbée par mon rêve, j’ai écrit un mail en demandant qu’il lui soit transmis ;

Aux aguets depuis, je surveille ma boite de messagerie comme si elle allait exploser à tout moment. J’ai peur et j’ai mal au ventre. Surtout j’ai 15 ans. Enfin 18 ans… l’âge que j’avais quand je l’ai rencontré.

Il est de mon passé celui que je ne peux, ni ne veux oublier. Une jolie parenthèse dans ses années de merde. Je l’aime comme un père, je l’aime comme Jean Ferrat. Je l’aime car lui a été là… Moi l’adolescente rebelle perchée sur mon radiateur à le regarder travailler, à l’agacer de mes convictions de jeune conne ; à lui expliquer la vie et le regardant travailler dans la sienne. Sans repère, sans père ni mère, sans personne dans cette maison pleine de filles comme moi, il a été mon guide plus que ces gens dont le métier était de faire ce qu’il a fait gratos pour moi. Nous avons une relation particulière, sans ambiguïté de ma part et de la sienne, curieuses pour les jaloux.

Je l’admirais. Marié, 2 filles, j’aurais voulu être la sienne.

Et puis, je suis partie du foyer ou il était le cuistot. Il nous faisait chaque jour à bouffer et au-delà de nourrir mon ventre il a rempli de nos discussions un vide intersidéral    Et puis, j’ai fermé la porte de ce passé-là. Ma pudeur aussi m’a empêchait de prendre des nouvelles, cet espèce d’orgueil à la con qui fait qu’on ose plus.


C’était y’a 20 ans. Je pense toujours à lui, tout le temps même. Je voudrai lui dire qu’il a été important pour moi, lui dire merci, lui dire que je l’aime comme je suppose on aime quelqu’un de sa famille. Il m’a aidé plus que ceux qui sont officiellement payés pour le faire..

Je suis descendue depuis longtemps de mon radiateur, la vie lui a donné raison ; j’ai perdu quelques uns de mes rêves, de mes illusions. Il m’avait prévenu. Je suis rentrée dans le rang, j’ai tricoté une famille, j’ai tourné le dos à certaines de mes convictions.

11 :28

Toujours aucunes news… : (

14 :23

Mon pc est un traitre ma boite de messagerie une connasse. Toujours rien. Je voudrai effacer de mon cerveau cette idée qu’il est peut-être mort et qu’on ne sait pas comment me le dire.


15h35



17 :23

Se souvient-il de moi au fait ?


En retard


Lundi, à peine déjà début septembre, rentrée des gosses même pas encore sèche, reprise du boulot déjà un lointain souvenir.

Je m’ennuie.

Pas techniquement, j’ai de quoi faire, mais je m’ennuie de ce que je suis devenue ou en train de devenir. Je ne sais même plus à quel temps m’employer.

J’ai très envie d’aller voir vers là bas ce que je trouve pas ici.

La bas, c’est peut être juste à coté, peut être plus loin, encore plus que ne porte mon retard.

Il est 3 heures moins le quart d’ennui, j’attends la récré, la sonnerie qui va me réveiller. J'ai mon âge  et déjà le sentiment d'être un peu périmée.
L'actualité me fait flipper, des choses que je ne peux plus ignorer, l'humain qui me déçois moi qui est toujours cru plus en lui qu'en dieu. L'homme est un loup pour l'homme et un sacré batard.
J’ai envie de vraiment me regarder en face, dans les yeux et de me dire ce que je ne me dit jamais, j’ai envie de me parler, et surtout j’ai envie de m’écouter.

Les enfants grandissent, l’homme vieillit et moi je cours de moins en moins vite. Ce qui n’est pas plus mal d’ailleurs. Courir pour qui ? vers quoi ?